Peurs
Bien sûr je mens. Et dans ma solitude intérieure, je m'applique à sourire tandis que je m'interroge sur l'état de mon cerveau. Où se produira la prochaine attaque? Ma soeur médecin, dans une de ses tentatives de consolation maladroite, m'a affirmé qu'avec seulement deux neurones on peut continuer à vivre convenablement. Mais je me demande: à partir de combien de neurones la vie devient-elle insupportable? Mais elle peut le devenir à tout instant, insupportable, par exemple pour les êtres incapables de dire ce qu'ils pensent. J'ai la chance d'avoir la langue bien pendue. Je ne me suis jamais tue par devoir. Mais la maladie me fermera-t-elle le bec? Je ne le crois pas, et je prends les paris. Le tout est une histoire d'attitude. La vie, plus que jamais, se doit d'être belle. Ça fait partie du traitement, tout comme le fait de ne pas parler de la maladie. La peur, je la considère comme une soeur d'ombre. Elle est là, tout le temps, si présente que j'en viens parfois à l'oublier. Elle a tellement envie d'exister que parfois je me prends les pieds dans ses jambes de fumée, et elle s'effrite sous mes pas, fuyant le soleil de Formentera.