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Le brouillard ne s'arrange pas. On n'y voit pas plus loin que le bout de son nez. L'île est comme engourdie, les habitants déprimés par cette atmosphère si inusuelle. Le monde est limité, la mer disparaît, le temps n'a plus de fin. Si le brouillard nous affecte tant en Méditerranée, c'est qu'il s'agit ici d'un phénomène exceptionnel. Nous sommes habitués à être aveuglés de lumière. La douceur de ce temps tout d'abord nous séduit mais très vite l'angoisse apparaît, car le brouillard n'est pas une solution à la sécheresse qui nous use tout au long de l'année. Les promesses de pluie non tenues, les nuages lourds qui passent au-dessus de notre île pour aller décharger sur les collines d'Ibiza, nous dépriment profondémment. Cependant, la situation n'est pas aussi grave que dans le Sud de la Frnce, nous avons reçu des pluies copieuses cet hiver. Mais ce n'est jamais assez en Méditerranée, et nous sommes toujours plus proches de l'Afrique. Cet hiver, j'ai montré à des amis hongrois un film que j'avais réalisé sur les chèvres de Formentera, et ils se sont mis à rire devant l'absurdité de ces animaux broutant les pierres. Mais elles survivent. Nous aussi. Une paysanne au visage impénétrable m'a dit un jour: "Nous, les gens de Formentera, sommes comme les lézards, capables de rester des heures au soleil sans bouger ni manger ni boire, mais quand passe une proie, alors on l'attrape et on la dévore."