Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
MIRALL MOGUT* (*miroir flou; catalan): le blog de Fred Romano
21 mars 2005

UN CHOIX DIFFICILE

Pour qui écrit-on? Pour un public ignare et accroché à sa télévision? Pour un public de veaux qui ne lit qu'au son d'une ou de plusieurs cloches télévisuelles, qui, au prix de longues années de magouilles et de promiscuités diverses, ont réussi à se tailler leur empire. Mais sont-ce les cloches elles-même celles qui produisent le son? Bien sûr que non.Une cloche en elle-même est un assemblage de métaux inertes. Toute cloche a besoin de son ou ses sonneurs, qui plus ou moins vigoureusement l'agitent. Toute cloche a besoin de son clocher, afin de faire entendre son son le plus loin possible. Voyons un peu: si le clocher est la chaîne de télévision, qui sont les bedeaux? Ceux qui payent les cloches sont ceux qui ont la chance de les voir chanter. Plus exactement: les payants sonneurs impriment leur son et la cloche ne chante que leur chanson: lisez tel ou tel bouquin, et les veaux dans les campagnes ruminent. La paysage littéraire en version champêtre, culture intensive comme les stages d'aérobic. Une,deux, tournez la page, lisez, soufflez, on recommence. Alors pour qui l'écrivain doit-il écrire? Pour lui-même, c'est un pieux mensonge à tendance romantique. Pour les lecteurs, c'est un songe stalinien car en réalité, il faut écrire pour le lecteur tel que le rêve l'éditeur. Dans le meilleur des cas, on peut écrire pour les lecteurs des maisons d'éditions, des êtres si dégoûtés par leur travail et par les âneries que la plupart des écrivains les forcent à ingurgiter, qu'ils ne songent qu'à réduire leur somme de travail de la forme la plus aléatoire qui soit. Ces lecteurs que l'on paye n'ont rien à voir avec les lecteurs qui payent, ils ne procèdent pas de la même classe sociale et n'ont pas reçu le même genre d'éducation. Pourtant, ce sont ceux-là qui décident pour les seconds, d'où la nécéssité de cloches afin de faire digérer l'addition aux veaux qui payent. Si les lecteurs avaient l'opportunité de pouvoir s'exprimer et faire part de leurs désirs aux écrivains, on pourrait se passer des cloches. Si les écrivains pouvaient faire lire leurs oeuvres aux vrais lecteurs, au lieu de les confer aux soins des gentils fils et filles à papa qui grouillent dans les maisons d'éditions, ils écriraient certainement moins de conneries. Car si l'ensemble de la production française dégénère vers l'absence totale de contenu, il ne faut pas y chercher d'autre raison. Le fait est déplorable, mais inévitable: nous les écrivains français sommes forcés par le système à écrire pour les lecteurs des maisons d'éditions, d'où le manque d'envol, de poésie, d'où l'ennui qui transpire, d'où la forme parfaite et stérile, d'où l'obscène masturbation littéraire mise en scène avec brio, mais dont on ne se rappelle rien une fois la page tournée.

Publicité
Commentaires
Publicité