Porte-pastilles
Ses doigts ripaient sur la boîte en plastique. Ses ongles sales le dégoûtèrent de lui-même, il y avait là tout le déchet d’une existence compliquée, d’autant qu’il lui aurait fallu trouver le temps de se laver les mains afin d’en éliminer tout le passé. La boîte tomba à terre et l’un des compartiments s’ouvrit, comme par magie, libérant la pastille censée le rédimer de ses excès du passé. Une puissante leçon s’inscrivit d’elle-même au fronton des tâches anodines, l’illuminant de son évidence : seul le hasard était assez puissant contre le chaos du vieillissement. Le fabriquant avait-il pensé à ses cibles principales, des seniors comme lui, ou cette boîte à médicaments se destinait-elle principalement aux familles des malades ? Il était donc assez logique qu’elle ne s’ouvre pas. Il lui avait fallu la jeter à terre pour qu’il ait accès à la pastille. Dans l’idéal mathématique du hasard, il n’en avait sans doute pas besoin.
Fred Romano 2013