Rafa Enthoven ou la philosophie Bonux

Je dois avouer que sa façon didactique de parler philo, avec ses résumés à l'emporte-pièces, sa signalétique pour abrutis m'énervaient plus encore que sa gueule de jeune premier, son regard profond et le qualificatif qu'on applique à un présentateur de télévision: philosophe! Mais bon, ne crachons pas dans la seule soupe philosophoque que nous serve le petit écran, je parle de l'émission Philosophie sur Arte. Mais aujourd'hui, ça a dépassé toutes les bornes de la philosophie bonux. C'était une émission sur le hasard, avec Baptiste Morizot comme invité. Très rapidement, j'ai été profondémment choquée: ces deux-là déblatéraient des platitudes sur le hasard face à une image d'un joueur qui s'apprête à lancer ses dés. Or l'éthymologie du mot hasard est justement celle-ci: azar est un jeu de dés arabe. Il y a donc trois explications au fait que les deux "philosophes" l'aient pas mentionné. La première est qu'ils l'ignoraient purement et simplement, ce qui me semble invraisemblable vu l'armée d'assistants et de lecteurs dont ils doivent disposer. La seconde est qu'ils le savaient mais ne voulaient pas en parler, ce qui soulève d'inquiétantes questions sur la politisation de la philosophie à la télévision; ils auraient cependant disposé cette image comme un clin d'oeil aux initiés, quoique, en dehors de la laideur de ce genre de clin d'oeil, je ne les crois pas capables de ce genre de finesse. La troisième est qu'ils le savaient mais ne voulaient pas en parler, ce qui soulève encore d'autres questions, que je vous laisse deviner. Mais les cadeaux bonux ne s'arrêtent pas là. Il y eut ensuite de mystérieuses flèches blanches sur les têtes des jeunes hommes, accompagné de ce titre sybillin: l'origine des espèces. Puis, cerise sur le gâteau, Rafa enthoven affirma avec un geste splendide de la main que "Après tout, il n'était pas écrit que les poissons deviennent amphibies..". Effectivement. Chevaucher la litote à contre-sens n'est guère indiqué lorsqu'on ne domine pas le sujet. Il est évident que le présentateur s'écoute parler (ce qu'il fait avec beaucoup d'allant) mais que personne ne le relit, pas même cette revue Philosophie qui l'avale. Gilles Deleuze, au secours! Il lui aurait mis la râclée intellectuelle qu'il mérite. Mais je me dis que les choses sont peut-être pire encore: le niveau intellectuel en France s'est tellement avachi qu'on en vient à prendre Enthoven pour un penseur!