Début d'année difficile
Bien qu'ayant réussi à éviter les fêtes de fin d'année, je ne réussis pas à éviter la déprime de janvier. L'hiver n'a jamais été ma saison, lorsque je vivais plus au Nord, je m'arrangeais toujours pour m'en aller, loin, sous les Tropiques. Maintenant je ne peux plus bouger seule. Finis les voyages au bout du monde. Ce qu'ils me manquent! Bien que je sache que le monde merveilleux que j'ai visité n'est plus, bien que le site de Delphes ait été grillagé, par exemple, quand j'avais connu la liberté des statues dans leur champ d'oliviers avec vue sur la baie, bien que Bali ait été colonisée par les australiens et les surfers, bien qu'on ait construit un barrage sur la Narmada River et qu'on veuille engloutir ses sublimes gorges de marble bleu. En hiver c'est plus dur, le froid me rentre de partout et je n'arrive jamais à me réchauffer complètement, sauf au lit sous la couette de plume. Ce n'est pas un brillant début d'année, je le reconnais mais parfois quand ça va mal j'en profite pour faire des bilans, une activité dangereuse dans ma situation d'écrivain maudite, malade et handicapée... Merde, j'ai pourtant le profil hyper-médiatique alors j'aimerais bien que cette année mon travail soit reconnu, même pas encensé, non simplement reconnu et payé. Allez, je sais bien que je ne crois pas aux comptes de fées, je sais que 70% des écrivains ne sont pas publiés et 70% de ceux qui sont publiés ne gagnent pas leur vie, je sais que le vrai travail d'écrivain moderne ne se joue plus sur les mots mais dans les salons, je sais que je n'habite pas dans le pays où on parle la langue dans laquelle j'écris... Je me demande pourquoi avec tous ces obstacles je passe tant de temps devant mon ordinateur, à essayer de me faire comprendre quand je devrais chercher à me vendre. Je me sens stupidement romantique, dans une époque où je suis hors-jeu, déplacée... Pour le premier quartier descendant de la lune 2007, je n'ai plus d'énergie, je ne sais plus où je vais. Je sens bien que ce roman en espagnol est un mensonge, un mensonge joliment travaillé, mais un mensonge tout de même, car je n'ai pas encore le même niveau en espagnol qu'en français, je n'ai pas les mêmes plaisirs en travaillant, mes textes espagnols ne me surprennent pas encore, c'est une histoire extremement subtile et triste. Mais je m'accroche, comme une naufragée...